« Oasis ! Oasis ! »

 

Ce site doit son titre, L’OASIS, à une interview désopilante, mais très sérieuse, donnée par le nouveau proviseur du lycée Auguste Blanqui au Bulletin municipal, à Saint-Ouen, en novembre 2003. Nous en avons extrait quelques phrases qui auraient pu avantageusement figurer dans la Psychopathologie de la vie quotidienne ou dans Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient. Car l’inconscient est implacable. Le déni est toujours en même temps un aveu. Ainsi dit le Grand Chamelier :

 

« lutter contre la reproduction sociale » ; « favoriser l’ouverture culturelle »… « Innover, Henri Théodet n’ pas eu peur de le faire. […], il a introduit le golf dans son collège puis dans les huit autres collèges de la ville. » Délire ? Renversant renversement ? Puisqu’il est ici où là question de réintroduire les tabliers ou quelque tenue servant d’étalon de l’égalité sociale, à Saint-Ouen, la culotte de golf sera obligatoire et tout le monde aura sa Bentley en miniature.

 

« Toutes les grandes innovations pédagogiques sont parties de notre département. » Déplacement ? Il serait plus conforme à la vérité de dire que le lycée Auguste Blanqui se comporte volontiers comme animal de laboratoire. Mais l’expérimentateur est ailleurs (Voir, par exemple, Sciences po.-Auguste Blanqui). Nous verrons donc comment l’administration du lycée innove en matière réglementaire (Recours TA, règlement intérieur), en matière d’instruction (Passeport pour Blanqui), comme en matière de comptabilité (Voir, par exemple, recours TA HSE)...

 

« Si l’école de la République a bien un sens, c’est ici, car elle est le seul moyen de lutter contre la reproduction sociale. » Mégalomanie ? D’une certaine façon, c’est vrai. Tout ce qui s’y fait est massivement destructeur. La pulsion de mort règne sans partage. Le rédacteur en chef de la gazette ajoute que « Cet établissement [a aussi] une filière [qui] permet d’intégrer Sciences po.. On pourra se reporter alors au dialogue imaginaire entre le directeur de Sciences po. et le proviseur du lycée Auguste Blanqui monté par Alain Finkelkraut. Le premier les rappelle fermement à la réalité, la lutte des classes.

 

« Les enfants ont droit à ce qu’il y a de meilleur. » Narcissisme ? Récemment encore, les élèves - dits gamins ou touts petits – vendaient des gâteaux pendant les récréations. Aujourd’hui, la vente est réservée aux professeurs. Il est vrai que, retour du refoulé ?, le titre de l’article de la gazette est « Le nouveau proviseur du lycée Blanqui Un enfant du 93 ». Maintenir des élèves dont plus de la moitié sont majeurs dans le statut d’enfant, n’est-ce pas d’abord les inviter de toute force à ne pas grandir ? N’est-ce pas aussi se refuser soi-même (voir supra), à devenir adulte ?

 

« C’est à l’école de favoriser l’ouverture culturelle » Refoulement ? Au lycée d’enseignement général, il n’y a plus de professeur d’arts plastiques, pas de professeur d’éducation musicale, mais on y rencontre le groupe bancaire CIC, Bouygues, L’Oréal, le GISO (agence locale du MEDF). Chacun y traite ses affaires. Et ces affaires sont de pures affaires d’argent (Voir, par exemple, Recours au TA). Les élèves y sont traités comme clientèle et comme matière première (ressources humaines en formation). L’oasis est un désert culturel (L’oasis ou le dattier étêté).

 

« En plus de la qualité humaine de son équipe, ce lycée est très agréable, c’est une oasis… ». Dénégation ? Cette phrase de conclusion d’une étrange beauté poétique contient quelques-unes des difficultés dialectiques classiques rencontrées lorsqu’on pense le rapport dedans/dehors.

« … ouverture culturelle » de l’oasis sur le désert ? Une oasis est l’endroit d’un désert qui présente de la végétation due à la présence d’un point d’eau Le désert culturel est-il représentée par la ville de Saint-Ouen ?. C’est sans broncher que le rédacteur en chef du bulletin municipal, fumeux dialecticien, poursuit son travail de scribe obséquieux. Il n’y voit que du feu.

« … ce qu’il y a de meilleur. » L’oasis est aussi lieu de repos. N’est-ce pas l’imposition qui est faite aux élèves : « Dormez ! » La pulsion de mort au travail… Nous jouerons au golf entre les dattiers…

 

Gilbert Molinier