VERS L’EBAUCHE D’UN MANUEL SCOLAIRE DU

JOUIR SANS PEINE !

 

Lorsqu'un Ministère de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la Recherche organise un colloque national sur le thème de « l'ennui à l'école » alors, l’ennui n'est plus un objet d’interrogation métaphysique (spleen, mal-être... objets privilégiés de la littérature romantique ou de la confidence intimiste[1]) mais, de fait, objet d’action politique[2]. Il s’agit donc d’une affaire sérieuse[3]. Les mauvaises langues disent déjà qu’il s’agit de la nouvelle marotte ministérielle visant à détourner en lieu psychologique la question lancinante de l’instruction. D’autres craignent que la lutte contre l’ennui ne soit déjà élément central d’une politique, sinon d’instruction, du moins d’éducation forcée à l’usage des plaisirs. Eh bien, non ! Pour s'en convaincre, il suffira de lire l'interview de Jean-Didier Vincent, Président du Conseil National des Programmes, Professeur de neurobiologie, publiée dans Le Monde[4] : « Pour les pédagogues, le plaisir de l’élève est essentiel dans l’apprentissage. » Il ne s’agit de rien d’autre que d’« avancer sur la définition de l’ennui, des points de vue biologique, anthropologique et philosophique.», donc d’organiser un colloque  consacré à l’avancement de la recherche de meilleures « définitions » ?!  Quel est donc le point de vue ministériel ?

 

 

BABIL CONCEPTUEL ENFANTIN 

 

Bien qu'il soit présenté comme Président du Conseil National des Programmes donc, autorité politique, Jean-Didier Vincent parle aussi au nom des spécialistes des sciences neurobiologiques[5], donc es qualités : il parle « du point de vue biologique …», de « mesurer un phénomène », de « renforcement négatif », de « stimulus »… Ce point de vue confère déjà une certaine allure aux possibles développements programmatiques d’un tel colloque. Tous les concepts situés au carrefour de la biologie animale et de la psychologie comportementale sont en place. En même temps, on s’appuie sur les thèses des « pédagogues »[6]. À peine évoquée la question pédagogique, le Président du CNP s’engouffre dans la sociologie puis, sans prévenir, revient hardiment sur la psychologie comportementaliste avant de retomber sur des thèses éthologiques pour s’épuiser en un spiritualisme nouveau… En le lisant, on ne peut que constater un certain désordre intellectuel, qu’en haut lieu pédagogique, on appelle sans doute, recherche ou vocation transdisciplinaires, « ponts entre les disciplines »[7]. Admettons que le Président soit scientifiquement polyglotte. « Les pédagogues » affirment que « le plaisir de l'élève est essentiel dans l'apprentissage. » Qu’est-ce qui fonde cette thèse ? Mystère. Tenons-la un instant pour possible. Que l’ennui s’oppose directement au plaisir ? D’où vient cette nouvelle thèse ? Nouveau mystère, habituellement, on oppose le plaisir à la douleur. Peu importe, admettons-la aussi comme possible. Admettons enfin comme principale thèse possible, que l’ennui ronge l’école, et d’abord, de façon privilégiée, les élèves, «  L’école, dit-il, est, en effet, la terre d’élection de l’ennui. »  

 

 Ensuite, si l'on reprend les constats que le Président du Conseil National des programmes présente ou les explications qu'il propose, les choses deviennent un peu plus compliquées, voire obscures. Ce si haut personnage du Ministère de la Jeunesse et de la science parle comme un enfant ! Avec lui, comme pour les enfants, tout est comme... Il dit : « C'est COMME présenter... » ; « L’ennui, [… c’est…] COMME une douleur… »[8]  « l’élève […] réagit COMME un petit animal... » ; « l’élève […] apparaît COMME désanimé... » En somme, c’est çacom !, comme disent les enfants. La signification de ce « comme » oscille entre le fatalisme benêt et son « C'est COMME ça ! »,  l’imaginaire enfantin et son : « Alors, on dirait que c’est COMME si je serais le roi… » et la vague explication de l’ignorant : « Un chien, c'est COMME une table qui aboie et avec des pieds qui bougent. » Tel est le niveau d’expérience auquel le premier adjoint du ministre se hisse. Tel est le niveau scientifique auquel le premier adjoint du ministre se hausse. Tel est le niveau d’abstraction qu’il nous demande d’atteindre. Est-il alors besoin de préciser qu’avec de tels « comme », on risque de n’atteindre qu’un niveau très modeste de rigueur scientifique ? Comment avancer dans la définition d’un objet si l’on ne peut mettre en rapport des phénomènes au niveau, soit de la corrélation, soit de la conjonction et, plus encore de la connexion ? Mais alors, quel niveau de profondeur conceptuel atteindra-t-il ? Laissons-le poursuivre sa démonstration.

 

 

L’ENFANT QUI PARLAIT AVEC LES  SINGES…

 

 « Quand l'élève ne sait pas ce qu'est un livre, quant il n'est jamais allé dans un musée, quand l'enseignement lui paraît étranger, la rencontre avec ces objets peut provoquer de l'aversion. C'est comme présenter un film de cow-boys à un singe : il va s'ennuyer. » Là, on atteint l’obscurantisme. Mais faisons-lui encore crédit : va pour l'ennui chez les singes !  

 

a) On reconnaîtra d’abord, changement de registre, un ressassement de restes vulgarisés des thèses de Bourdieu. Mais enfin !, quelque chose est clair : J.-D. Vincent désigne l'ensemble d'élèves concernés par le colloque : les enfants de pauvres[9]. Autant le neurobiologiste rencontre des difficultés à exposer le contenu de son objet, autant le même, politique, cerne exactement sa cible. Voilà un point acquis.

 

b) Mais on peut interroger cette vague analogie, ce « comme… ». L'ennui des singes est-il de même nature que celui des hommes devant « l'étrange », « l’incompréhensible »  ? Rien n'est moins sûr, à moins d'admettre que les enfants de pauvres sont des singes ou que les singes sont de pauvres enfants. Il faudrait alors expliquer que l’extraordinaire multiplicité des vivants se réduit à l’unité, qu’un singe est comme un enfant ayant des handicaps socioculturels ou qu’un enfant ainsi handicapé est comme un singe. Néanmoins, il est désormais possible de tirer une conclusion de première importance : « Un singe, c’est comme un enfant de pauvres, avec plein de poils partout. »[10]

 

c) On pourrait, par exemple, raisonnablement admettre, à titre de simple hypothèse, que quelque enfant de pauvres puisse dire quelque chose qui ressemblât comme à une parole articulée s’apparentant à une langue humaine, soit qu’il verbalisât son ennui, le fît passer au crédit de la tragédie de l’homme face au néant, au désespoir de devoir vivre, au débit du simple « malheur d’exister », à la revendication d’un monde meilleur, au reproche fait à ses parents d’être là… Ce qui changerait complètement la donne. A moins que le colloque ne puisse envisager cette hypothèse ou ne puisse faire comme si cela pouvait exister. Qu’un enfant, à la différence d’un singe, puisse verbaliser son ennui, n’effleure même pas le savant. Mais alors, c’est comme s’il retirait le pain de la bouche des linguistes spécialistes de l’illettrisme payés par son  ministère !

 

d) Remarque incidente : Comment peut-on « présenter un film à un singe » ? Cela reste aussi de l'ordre du mystère. Parce qu’une telle présentation supposerait que le singe soit déjà dans la représentation, qu’il ait atteint ce fameux stade du miroir, qu’il ait accès à l’image... Comment le neurobiologiste s’y prend-il pour se mettre au niveau de (re)présentation du singe ? Il n’y a qu’une explication possible : le Président du CNP qui parle comme un enfant, parle aussi avec les singes… »[11].  Ma foi, cela ne lui est peut-être pas si difficile[12]

 

e) Cela dit, hors du champ « de la biologie, de la philosophie et de l’anthropologie » et sans éprouver le besoin d’organiser un colloque national, le plus humble papa ou la plus humble maman, le plus ignorant des professeurs, savent que ces rencontres fondées, par exemple, sur l'incompréhension, peuvent donner lieu à toutes sortes de réactions autres que l'ennui, réponses le plus souvent imprévisibles. Cela peut déclencher la fuite, les rires, les larmes, un débordement d'agressivité, des paroles exquises, des gestes regrettables, voire, chez l’animal parlant, une question... Admettons encore que le singe s'ennuie, le plus singe des enfants nous surprendra toujours, parce que ses réactions, ses conduites, ses paroles... ne sont pas écrites par avance. Et surtout, ce qui distingue le plus bête des enfants du plus savant des singes, c'est qu'il a à sa disposition une quantité de réponses possibles que le singe le mieux éduqué n'aura jamais.

 

f) Laisserons-nous de côté les questions conceptuelles ? De toute évidence, notre savant ne sait pas les différences entre « réponse », « conduite », « comportement », « réflexe », « acte », « parole »... Il ignore tout autant les différences entre « plaisir », « désir », « joie » ; de la même façon, celles entre « douleur », « ennui », « frustration », « souffrance » et, plus encore, celles entre « cerveau » et « esprit »… Ainsi, de simplification en réduction, de glissade en dérapage, l’ensemble des chaînes causales produisant quelque chose que l’on pourrait cerner comme « ennui », devient un simple mécanisme computable : « L’ennui, du point de vue biologique, est assimilé à un stimulus négatif. Il est perçu de façon très forte[13], comme une douleur, par le cerveau qui met en place des stratégies d’évitement. » Comment « l’ennui », concept problématique et multidimensionnel, devient-il « stimulus » dont le caractère principal est la simplicité ? Encore une fois, mystère. Comment « l’aversion », proche du dégoût, avec toute son épaisseur psychologique, ses multiples facettes, devient-elle « douleur », tirée, non pas du côté de la « souffrance » mais vers celui de la réaction physiologique ? Il suffit simplement de confondre deux niveaux d’analyse distincts ou deux niveaux de complexité, le premier, psychologique ; le second, biologique. Au total, ce n’est plus « l’élève » qui perçoit, mais le « cerveau » ? Et on prétend avancer dans le domaine des « définitions » ! Dès lors, nous pouvons tirer deux nouvelles conclusions scientifiques : l’élève, c’est comme un cerveau qui fuit. Le maître, c’est comme un expérimentateur de laboratoire qui essaie de le rattraper. C’est comme ça !

 

 

L’AVORTEMENT DE LA CAUSALITE CHEZ L’ENFANT

 

Et, « [...] quand l'enfant ne comprend pas, ne voit pas, n'entend pas ce qu'on lui montre [...], il réagit alors comme un petit animal : il n'a plus d'attention, détourne son esprit et apparaît comme désanimé. »

 

a) Comment le « cerveau » devient-il « esprit » ? Nouveau mystère équivalent à celui de la transsubstantiation. Comment un petit animal « détournant son esprit » peut-il être « désanimé », juste au moment où il s’anime !? Voilà encore un mystère que seul le professeur de neurobiologie pourra expliquer aux étudiants, du moins à ceux qui ne dorment pas encore !  

 

b) Pour mieux approcher du vide conceptuel, inversons la proposition : « Si l’élève comprend immédiatement ce qu’on lui montre, alors il n’apprend rien, puisqu’il sait déjà. Et si on lui apprend ce qu’il sait déjà, alors il s’ennuie, puisqu’il se retrouve dans la répétition ! » Même dans les cages de laboratoire, on laisse une chance (du temps !) au rat de trouver une solution géniale au piège tendu par l’expérimentateur. On évacue donc une dimension essentielle de l’apprentissage, celle du temps pour comprendre et, plus encore, celle du temps pour apprendre. D’autre part, s’il « ne voit pas ce qu’on lui montre », alors c’est qu’il « regarde » ailleurs. Quel est cet ailleurs ? Au lieu d’envisager l’hypothèse que cet ailleurs puisse exister, ne serait-ce qu’au titre d’imagination, rêverie… Mais s’il rêve, comment peut-il s’ennuyer ? Plutôt que de s’embarrasser avec ces petits détails, ce qui supposerait de s’atteler sérieusement au problème de l’attention, on forge, en même temps qu’un néologisme, un nouveau concept : « désanimé »[14].

 

c) Et là, le maître hésite ; il a l’obscure conscience que ce « on » qui montre quelque chose à l’enfant pourrait bien jouer un rôle dans l’expérience de montrer : « […] quand l’enfant ne comprend pas ce qu’on lui montre […] » Il sait d’expérience, que lorsqu’il conduit des expériences en laboratoire, le personnage principal, c’est lui. D’ailleurs, tout le monde le regarde, aussi bien les rats Lewis que les rats Fisher. Même les singes qu’il emmène au cinéma ne parviennent pas à fixer leur attention sur Gary Cooper, John Wayne…, ils n’ont d’yeux que pour le maître qui a toujours des bananes dans ses poches. Sa modestie en souffre, mais c’est comme ça ! D’expérience, il sait aussi que lorsqu’on montre un objet à un singe, celui-ci regarde le doigt de l’expérimentateur. Alors, par « correspondance », et là est sa géniale idée, ça doit bien être pareil en classe (surtout pour les élèves de la Seine-Saint-Denis, où les différences entre Lewis et Fisher ne sont pas significatives). Ignorant les différences entre important et principal, essentiel et fondamental, mais quelle importance ?, il hésite encore : « Sujet ?, objet ?, Qu’est-ce qui, dans l’acte d’enseigner à la place la plus importante ? » Il en vient à concevoir une issue pour les professeurs à élèves Fisher, se substituer à l’objet : « Face à des élèves en situation de décrochage, l’enseignant doit réagir et devenir la ‘prostituée du savoir’[15] en faisant de l’enseignement un objet de désir. » Donc, « dans la relation triangulaire, élève-enseignant, savoir… »[16], le troisième terme s’efface, le second (pro - statuere) se met en avant « en se donnant à quiconque le paie » - petit Robert). Il ne reste alors que deux personnes face à face, prises aux pièges de la relation amoureuse. Comment alors réintroduire l’objet ?

 

d) Le professeur-prostitué exerce alors à ses risques et périls : « La prostituée est un bouc émissaire » (petit Robert, citant Simone de Beauvoir). Comment définit-on l’amour ? Une fois encore, venant à la rescousse du savant, le commis du Monde de l’Education donne un exemple[17] : « […] j’ai rencontré une jeune fille passionnée par les chiens. En dehors du lycée, où elle ne faisait que de la présence, elle avait monté une société où elle se confrontait à la gestion, à la négociation, au commerce. »[18]. « Avoir une passion pour quelqu’un, pour quelque chose… », c’est, selon qu’on est acheteur ou vendeur, l’acheter au plus bas ou la vendre au plus  haut prix. Voilà pourquoi les rats Lewis quittent le navire : les professeurs n’aiment pas les chiens ! Il reste au grand savant de renommée internationale  à régler une grave question d’ordre politico-juridique, pour laquelle le Médiateur de la République devra probablement déployer tous ses talents. En effet, au moment même où le ministre de l’Intérieur pénalisait la prostitution passive, le ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche créait un nouveau métier, sous contrôle de l’Etat, le professeur-prostitué. À moins que ces derniers envisagent de se livrer à une prostitution active, nous nous dirigeons probablement vers une grave crise gouvernementale… et plus sûrement encore vers ce que Marx appelait le « Zur Ware Werden des Menschen », le devenir marchandise de l’homme. 

 

e) Admettons que « désanimé » signifie quelque chose comme « sans vie ». Comment alors expliquer, nouvelle incohérence, que cet « ennui s’affiche, est devenu plus ‘ostensible’, selon l’expression de Philippe Meirieu, qui cite l’usage de walkman, le maquillage, la lecture de magazines en plein cours. » ? N’est-ce  pas la « vie » qui fait alors son entrée dans la classe ? Et ne serait-ce pas là une question centrale ? Et comment peut-on appeler une telle injonction, « absence de désir » ? Comment peut-on prétendre que cette mise en scène du maquillage manifeste une « absence de désir », juste au moment où le « désir » fait plus que montrer le bout du nez ? Et c’est peut-être, là aussi, un lieu de difficultés.

 

f) Mais qui a transformé l’école en « lieu de vie » ? Ne parvenons-nous pas aujourd’hui au terme du procès : les élèves sont « désanimés », morts. Comment se fait-il que les mêmes élèves puissent (encore) entrer dans une église, un temple, une mosquée, une synagogue… en se soumettant aux rites que le cadre impose et qu’ils ne s’aperçoivent plus qu’ils entrent dans une école ou une classe ? Tout simplement parce que ce cadre a été détruit ! Mais qui donc l’a détruit, sinon l’armée de « pédagogues », les nouveaux gardes rouges à la botte du ministère ?,… jusqu’à transformer l’école en désert culturel version grande surface dans lequel errent de jeunes êtres, non pas « désanimés », mais « désarrimés », promis aux « enfers subjectifs »[19]. Et, puisque ces « pédagogues » officiels ne peuvent pas penser le psychologique autrement qu’animalier, alors qu’ils se reportent au moins à un de leurs maîtres, Konrad Lorenz, qui a tant travaillé sur le « rituel ». Celui-ci a montré que, privée de cérémonial, l’oie cendrée « tombe en dépression ».

 

g) Le Président du CNP définit l'ennui comme effet de « l'incompréhension » ou de la « répétition ». Simplisme causal déconcertant. Comme chacun sait, même les neurobiologistes, l'incompréhension peut tout aussi bien être un puissant stimulant intellectuel, comme la répétition provoquer une joie infinie ; comme tout apprentissage est toujours simultanément ou consécutivement, source d'ennui, de plaisir, de douleur, de joie, de découragement...

 

h) Mais a-t-on déjà vu un animal « détourner son esprit » ? Avons-nous déjà vu une grenouille, un papillon, une lionne « détourner leur esprit » ? A-t-on même déjà vu, en toute rigueur, un enfant « détourner son esprit » ? Et, qui plus est, parce qu’il ne comprendrait pas ce qu’on  lui montre !  Ce n'est pas sérieux. Nous sommes, comme qui dirait, dans un mauvais sketch ! Il faut faire preuve d’une généreuse bonne volonté pour suivre une pensée si transdisciplinaire. Le stade de l’obscurantisme est largement dépassé. Est-ce que le Président du CNP a la moindre idée de ce que présuppose ce simple geste de « montrer » quelque chose à quelqu’un ? Il semble que non. Alors, pour l’aider à comprendre, je dirais : « Quand je l’écoute, je regarde sans cesse ma montre. Pourquoi ? Parce que ses déclarations sont profondément… ennuyeuses.»

 

i) Dans l’acte de montrer quelque chose à quelqu’un, celui qui montre joue un certain rôle, déterminant. Etant donné le choix infini d’objets qu’il peut montrer, c’est lui qui est responsable du déclenchement du plaisir ; mais c’est lui aussi qui est coupable du déclenchement de l’ennui. « Le maître a, évidemment, une responsabilité essentielle. C’est lui qui provoque l’éveil, l’attention. » Comme en toute chose, les raisonnements du Président du CNP sont simples… Par un heureux hasard, il rencontre comme confirmation consensuelle, les déclarations spontanées des élèves et les prend pour argent comptant. Ainsi, ce qui ennuierait les élèves, ce serait « la grammaire, la géologie, les dates en histoire, les vecteurs en mathématiques »[20]. C’est-à-dire, ce qui requiert apprentissage répétitif et progressif. Les « vecteurs » ne permettent-ils pas d’appréhender la notion de force (donc de sens, direction, intensité…), de donner un sens au chaos du monde physique ? La « géologie » ne permet-elle pas de s’introduire à des dimensions du temps qui dépassent le simple « vécu » individuel immédiat, à observer des objets inanimés objets de mouvements animés gigantesques, donc  d’introduire du sens ? Les « dates en histoire » ne permettent-elles pas d’appréhender l’épaisseur du temps, son irréversibilité, un certain rapport avec les ancêtres, donc de dépasser la vision immédiate du temps réduit à l’instant ? La « grammaire » n’est-elle pas le « nerf de la pensée » comme dit George Steiner, en même temps qu’elle est la « philosophie élémentaire », comme dit Hegel, soit la porte ouverte au sens ?

 

j) Alors, la question principale est bien celle des programmes d’enseignement. Et s’il est vrai, comme le dit le Président du CNP que le « maître a évidemment une responsabilité essentielle », celui-là ne doit pas oublier que celui-ci n’intervient qu’au bout d’une chaîne dont le maillon principal est, comme son nom l’indique, le Président du Conseil National des Programmes.  Celui-ci affirme : « C’est [le maître] qui provoque l’éveil, l’attention. » Veut-il dire : quel que soit l’objet présenté à l’élève ?, quel que soit le programme proposé ? Le programme n’est-il pas le maillon essentiel ? Tout au plus admet-il que « […] nous devons fixer quelques règles dans leur élaboration. » Mais alors, il reconnaît que ces règles n’existent pas encore ! Et, si elles n’existent pas encore, il doit bien y avoir des raisons à chercher, non pas du côté des professeurs, mais du côté des concepteurs des programmes… qui sont justement les autorités pédagogiques qu’il rencontre chaque jour depuis des années. Mais quoi, après tant de réformes et révolutions programmatiques, on n’a pas encore fixé les « quelques règles » préalables à leur élaboration concrète ?! On connaît pourtant déjà les effets spectaculaires du renoncement à l’apprentissage systématique de la grammaire et à sa « dilution » dans toutes les disciplines. Et on n’en finirait plus d’égrener les preuves du massacre organisé et planifié par le ministère et son armée de « gardes rouges-pédagogues  ». 

 

k) Il suffira d’évoquer comment les matières d’enseignement sont « dématérialisées » (TPE, ECJS…) ; comment les établissements scolaires, collèges et lycées, sont devenus centres de planning familial (sévère question !) où on apprend comment jouir sans faire d’enfant (voilà de quoi détourner l’attention !) ; comment chaque discipline d’enseignement a été vidée de son sens (au point de provoquer une sorte de sain dégoût chez les élèves)… Alors, on comprendra pourquoi les ambitions ministérielles deviennent aussi modestes. Parmi celles-ci figure celle d’« apporter le plus de sens possible »[21]. Mais comment apporter du sens lorsqu’on le retire ? Par exemple, comment accéder au jeu de mots, au Witz, un des sommets du sens si l’on apprend que la langue fonctionne comme un jeu dont les mots (alors pensés comme atomes) seraient les cubes ou les wagons d’un train ? Ne convient-il pas d’entendre dans cet ambitieux projet comme un immense mépris déclaré pour les enfants de pauvres ?

 

l) Je ne retiendrai qu’un aspect particulier de la destruction des programmes et des élèves, ce qui a cours officiellement sous le nom d’«activités éducatives »[22], diffusées dans le B.O.E.N.[23] entre septembre 2002 et mi-janvier 2003. Toutes ces activités ludiques sont évidemment prioritaires.

Septembre : (B.O.E.N. N° 32) : « Journée européenne des langues ». (B.O.E.N. N° 34) : « Journée mondiale du refus de la misère le 17 octobre 2003 » ; « Prix de l’éducation 2003 » ; « Opération ‘Le Parlement des enfants’ ».

Octobre : (B.O.E.N. N° 38) : « Concours : La bataille de la lecture » ; « 9ème Journée nationale prison » ;  (B.O.E.N. N° 39) : « Concours scolaire ‘Histoires croisées : histoires de vies franco-québécoises » ; (B.O.E.N. N° 40) : « Journée nationale célébrant le 84ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 ».

Novembre :  (B.O.E.N. N° 41) : « Opérations ‘1000 défis pour ma Planète’ » ;  « Semaine nationale de la presse et des médias dans l’école » ; « Opération pièces jaunes 2003» ; (B.O.E.N. N° 42) : « Printemps des poètes –année 2002-2003 » ; (B.O.E.N. N° 44) : « L’engagement des jeunes » ; (B.O.E.N. N° 45) : « L’année de l’Algérie 2003 » ; « Dans le sillage des navigateurs portugais-concours 2002-2003 ».

Décembre : (B.O.E.N. N° 47) : « Journée de la mémoire de l’holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité » ;

Janvier 2003 : (B.O.E.N. N° 1) : « Concours René Cassin- année 2002-2003 » ; « Campagne de la Jeunesse au plein air 2003»…

 

m) Comment résumer, en une formule saisissante, les objectifs pédagogiques de ces « activités éducatives » où l’on s’éclate de rire ? Il s’agit, dit le Président du CNP de « donner aux élèves le sentiment de progresser »[24]. Vraiment !, rien de plus que le… « sentiment » ? Autrement dit, les professeurs doivent faire comme s’ils enseignaient et les élèves ne doivent pas progresser, mais seulement avoir l’impression de progresser, ce qui assurera, du moins le croit-il, une certaine paix sociale. D’où cette interrogation inquiète : « l’ennui est aussi une des causes probables de la violence scolaire »[25]. C’est la seule préoccupation réelle des gouvernants, celle qui organise le consensus politique. N’est-ce pas le ministre délégué à l’Enseignement scolaire qui, lui faisant écho, déclarait récemment : « Cette régression [celle de la maîtrise de la lecture et du calcul] serait plus acceptable si elle ne s’accompagnait pas d’un accroissement des inégalités. »[26] ? Ce mépris de classe que les gouvernants affichent publiquement à l’égard des enfants de pauvres est une cause certaine de la violence scolaire.  Pour l’instant, cette violence se retourne contre elle-même ou se concentre sur les enseignants, le ministère allant même jusqu’à vouloir les enfermer dans un piège sécuritaire : l’un, en déclarant que « le maître a évidemment une responsabilité essentielle », l’autre que « Ce n’est certainement pas à moi d’en décider [d’employer un policier à demeure dans un collège], mais aux équipes éducatives » les deux conviennent de dire aux professeurs : « Démerdez-vous ! ».

 

 

L’ENFANT DEVOILE SA POLITIQUE DU JOUIR

 

a) La violence étatique et l’organisation des plaisirs sont les deux volets complémentaires  d’une même politique d’abrutissement programmé de la jeunesse et de containment des banlieues. Les illusions finiront par tomber et le retour au réel sera sans doute terrible. En attendant, le grand organisateur du grand sommeil aligne tranquillement une série d'équations intellectuellement simplistes mais politiquement redoutables :

1) Ce qui crée l'ennui à l'école, c'est la répétition.

2) Celui qui ennuie les élèves, c’est le professeur.

3) La répétition est au fondement de tout apprentissage.

4) J'affirme que le plaisir est préférable à l'ennui.

5) Donc, je supprime d'autorité l'ennui à l'école, c'est-à-dire, la série des apprentissages  qui exigent répétition…

6) … Soit l'arithmétique, la grammaire, l'orthographe, la géographie, l'histoire...

7) …Pour les pauvres, cela va de soi.

8) Je donne l’autorisation de supprimer le professeur ennuyeux.

 

 

b) Maintenant, pour peu qu’on les reconstitue dans leur cohérence, quelle stratégie politique est à l'œuvre dans ces théories ? Ce colloque n’avait pour autre objet que d’accélérer l’obligation scolaire de la jouissance (plaisir immédiat, obtenu sans médiation des livres, des exercices...). Le Ministère de la Jeunesse a désormais en charge principale la gestion étatique des plaisirs de la jeunesse ? Vaut-il mieux mourir d’ennui, mourir de jouir ou mourir de l’ennui de jouir ? Le ministère a décidé, sans doute après sondage auprès d’un échantillon représentatif d’élèves, qu’il fallait mourir de  jouir. Après avoir produit sélectivement des bêtes à concours, on prétend produire en masse des bêtes à jouir qui arboreront leur sourire fabriqué, celui figé du cadavre embaumé des hommes « désanimés ». Ce plaisir devenu matière obligatoire au sein d'un géant Ministère de la Jeunesse et des Jouissances donne le cafard. Cette folle tentative de maîtrise gestionnaire de la jeunesse à grands coups de plaisirs sera ensuite probablement évaluée. N'a-t-elle pas un contenu essentiellement mélancolique ?

 

c) Quel problème vise -t-elle à résoudre ? Tout simplement le problème des pauvres. Que faire des pauvres et surtout de leurs nombreux enfants ? Trop nombreux, ne deviennent-ils pas potentiellement dangereux ? Comment, sinon éliminer, du moins circonscrire le danger ? La psychologie des pédagogues est une héritière. Elle a tiré la leçon de l'échec du nazisme. Les méthodes violentes et primitives du nazisme ont fabriqué son adversaire, par simple réflexe de défense. Aujourd'hui, on procède autrement pour parvenir aux mêmes fins, la stérilisation de l'ennemi. L’imagination contemporaine de la biologie inclut l’expérience d’Auschwitz. Par exemple, pour se débarrasser des cafards, animal redoutable et presque indestructible, on a envisagé le scénario suivant, qu’une molécule excite en permanence les centres nerveux impliqués dans leur comportement génital. Les cafards copulent jusqu’à épuisement, en oublient de manger et meurent de… plaisir. C’est ce modèle qui est importé dans l’école, modèle de la programmation de la mort dans la jouissance. 

 

d) C’est aussi sur ce modèle que fonctionne le management d’entreprise. Histoire de la grenouille cuite. «Une des histoires que les conseils en entreprise ou les philosophes du management racontent volontiers pour expliquer combien il est difficile de conduire un organisme ou une entreprise à l’apprentissage, est l’histoire que raconte Charles Handy, transformée en parabole, l’histoire de la grenouille cuite. Chacun peut imaginer ce qui se passe si l’on jette une grenouille dans l’eau bouillante. Elle essaie, aussi vite que possible, d’en sortir. Mais que se passe-t-il si l’on met une grenouille dans l’eau tiède, de telle sorte que la température de l’eau soit progressivement augmentée ? Curieusement, il ne se passe rien. La grenouille montre tous les signes d’un animal qui se sent bien, mais cuit lentement sans s’en rendre compte. »[27] Les méthodes managériales sont ainsi faites qu’elles tuent à petit feu avec une probabilité de succès bien plus grande que les méthodes directement totalitaires, du moins telle est l’ambition des technocrates du management. Comment cuire les jeunes à petit feu ? Le Président du CNP a apporté sa contribution : en leur enjoignant la jouissance à mort. 

 

 

… FAITS COMME DES RATS ?

 

Et c'est à partir de telles propositions scientifiques qu’un ministère prétend s'occuper de l’ennui des élèves ?! On s’étonnera qu’une telle avalanche de curiosités conceptuelles puissent  être publiées en une seule fois par un journal qui prétend à un certain sérieux. Et c'est dans ce pays où règne un esprit critique gros comme une lentille rabougrie que la communauté des savants et intellectuels laisse sans réagir passer ce genre d'inepties. Naguère, de telles déclarations auraient provoqué un tollé général ; aujourd’hui, cela devient l’événement du jour dans journaux, télévisions et radios ! Puisque, de toutes parts, on ose encore prétendre que les questions de l’enseignement, de l’éducation de la jeunesse de ce pays, ont encore une certaine importance, on s’étonnera aussi que la communauté des savants, biologistes du comportement, psychologues de l’apprentissage, sociologues de l’éducation, spécialistes des sciences de l’éducation, pédagogues géniaux et autres patentés linguistes spécialistes de l’illettrisme n’aient pas attaqué ces déclarations ministérielles comme elles devaient l’être, du simple point de vue de leur spécialité scientifique. On s’étonnera plus encore que ladite communauté des intellectuels critiques, voire, pour les plus hardis, critiques-critiques, défenseurs grassement payés des droits de l’homme pour peu qu’ils vivent en Utopie, toujours prêts à s’accrocher à n’importe quelle branche humanitaire, pour peu qu’elle soit d’un bon rapport, toujours prêts à trouver un thème de débat, pour peu qu’il n’engage à rien et surtout ne les engage en rien, sinon à essayer de sortir de leur propre ennui, non seulement n’ait pas remarqué le pitoyable contenu intellectuel de ces déclarations mais surtout, n’ait pas protesté avec la plus grande vigueur  contre les dernières manigances ministérielles. Il faut croire que l’amour[28] est aveugle et muet. Et pourtant, chacun avait là matière à démontrer, en regard de sa simple spécialité ou, pour les intellectuels véritables, en regard de sa complexe généralité, les incohérences intellectuelles et la cohérence politique des propos du Président du Conseil National des Programmes. Car celui-ci montre, en effet et en acte, combien le niveau scolaire baisse jusqu’à atteindre les plus hautes sphères de l’Etat ; mais il montre aussi bien, en effet et en acte, ce que le même ministère poursuit méthodiquement et systématiquement : une politique de destruction de l’instruction, propédeutique à de grands malheurs. À le suivre, il est tout à fait évident qu’à court terme, les jeunes élèves sont… faits comme des rats !

 

Gilbert Molinier

Professeur de philosophie

 

 

 

 

 

 



[1] « Luc Ferry : comme des rats morts », In Le Monde, 13 janvier 2003.

[2] Ce que Le Monde, en son invariable neutralité, appelle « thème de débat ». C’est juste pour causer, quoi ! In, L. Bronner, M. Laronche, « L’ennui à l’école, l’une des causes de la violence scolaire ».

[3] « […] le Conseil national des programmes prend la question très au sérieux. » in M. Séry, C. Bonrepaux, « Voyage au bout de l’ennui », Le Monde de l’Education, janvier 2003.

[4] Le Monde, 13 janvier 2003.

[5] «Ce biologiste de renommée internationale, fondateur d’une nouvelle discipline, la neuro-endocrinologie, s’est saisi des passions, du désir comme thème d’étude. », in C. Bonrepaux, « L’enseignant doit savoir se vendre », in  Le Monde de l’Education, ibid.. « Savoir se vendre ! », tout un programme…

[6] Son modèle du pédagogue est Philippe Meirieu, comme celui du psychologue est Burrhus F. Skinner, celui de l’éthologue Konrad Lorenz et, celui du mondain, Arrias.

[7] Ibid..

[8] Dans Le Monde de l’Education, on écrit : « Pour Jean-Didier Vincent, l’ennui est une souffrance. » « Souffrance », « douleur », on ne va pas chipoter ! C’est fou le nombre de savants de « renommée internationale » qui hantent le ministère ces derniers temps. Comme diraient les élèves de Seine-Saint-Denis : « Ça doit être un bon plan ! »

[9] Il précise son point de vue original dans Le Monde de l’Education : « Un jeune de Seine-Saint-Denis qui n’a jamais entendu parler de Veronèse et n’a jamais vu un de ses tableaux ne sera pas attiré par Venise. »  J’ajouterais : « Et  même, sait-il que Venise, voire l’Italie,  existent ?

[10] Dans Le Monde de l’Education, le point de vue du grand savant est encore plus radical : « On observe deux types de rats, les rats Lewis et les rats Fisher. Les premiers sont mous, […]. Les seconds se révèlent curieux […]. On trouve cette correspondance chez les humains. » 

[11] On reconnaîtra la postérité de Konrad Lorenz.  Son ouvrage le plus célèbre porte le titre suivant : Il savait parler avec les mammifères, les oiseaux et les poissons.

[12] Une différence, toutefois : le second monte à l’arbre de la connaissance avec autant de difficultés que le second grimpe aux arbres avec élégance.

[13] Ici, on passe du niveau enfantin, à celui infantile du langage.

[14] « Désanimé » est sans doute une transposition de l’expression « rat-mort », que le savant ne peut pas lire comme image poétique, parce qu’il parle encore comme un enfant formé chez les modernes, pour qui les mots sont comme choses. 

[15] Nous l’ignorions, derrière le savant, modeste, se cache un grand poète.  

[16] C. Bonrepaux. Chacun sait comment le Monde de l’Education, sorte de Journal Officiel, organise les campagnes de presse du Ministère de la Jeunesse Il est aussi intéressant de voir à quel point certains journalistes jouent le rôle de « catins » du Ministère (autrefois, on aurait dit : « faire-valoir »).

[17] Exemple donné par Jacques Birsoute, « Universitaire, psychologue, spécialiste de psychologie clinique et de psychopathologie ».

[18] Ce qui permet au savant (encore un !), de nous resservir le vieux plat jamais refroidi, de « l’intelligence pratique ».

[19] P. Legendre, Miroir d’une nation, l’Ecole Nationale d’Administration, Paris, Les Mille et une nuits, 1999, p. 68. « L’individualisme programmé, qui désarrime chacun du fondement de ses liens ouvre sur des enfers subjectifs. »

[20] In Le Monde,  L. Bronner, M. Laroche, « L’ennui à l’école, l’une des causes de la violence scolaire »,

[21] Ibid..

[22] Je reviendrai en son temps sur l’organisation de certaines opérations très spéciales menées conjointement par le Ministère et certains groupes bancaires, activités nommées, « jeu-concours » (Dicos d’or, Masters de l’économie…) et sur lesquelles la presse comme les intellectuels critiques-critiques  restent si étonnamment discrets. 

[23] Je n’ai repris que les « activités pédagogiques » présentées officiellement par le ministère au B.O.E.N.. Il faudrait y ajouter toutes celles organisées par les Conseils régionaux, les Conseils généraux, les Conseils municipaux comme toutes celles organisées localement avec une entreprise… mais aussi toutes celles organisées conjointement par le Ministère et de grandes entreprises (dentifrices, chocolats de toutes sortes...).

[24] Le Monde, ibid.

[25] Jean-Didier Vincent, in Le Monde, ibid..

[26] Xavier Darcos, ministre délégué à l’Enseignement scolaire,  «Français, mon beau souci », in Le Figaro-Magazine, 7 décembre 2002.

[27] Cité in, G. Molinier, La gestion des stocks lycéens, Paris, L’Harmattan, 2000.

[28] Ici, j’appelle « amour » ce que Marcel Gauchet appelle « corruption généralisée ». « Nous assistons à un déclin saisissant de la dimension du public dans nos sociétés, dont le symptôme le plus patent est la généralisation de la corruption. In M. Gauchet, La démocratie contre elle-même, « Essai de psychologie contemporaine », Paris, Gallimard, Tel, 2002, p. 244-245.