M. Gilbert Molinier

2, rue Rebeval 75 019 Paris

Tél : 01 44 52 04 93

Paris, le 03 octobre 2004

Monsieur Renaud Denoix de Saint-Marc

Vice-Président du Conseil d’Etat

1, Place du Palais Royal

75 001 Paris 01 SP

OBJET : Contribution d’un justiciable

 

Monsieur le Vice-Président,

J’ai l’honneur de vous faire part du problème suivant.

Dans un aussi brillant qu’important article paru au recueil Dalloz (n° 18, 2004, p. 1249-1252), M. Jean-François Burgelin regrettait l’absence du « justiciable et [de] l’Etat » sur la grande scène du débat juridique. Il ajoutait : « Ce serait pourtant à eux, par voies de presse ou de prises de position publique, de donner leur sentiment sur les chemins que doit prendre la justice française pour répondre aux exigences du procès équitable. » Nous l’avons entendu et vous présentons, sans sentimentalisme, les observations suivantes.

Dans un courrier qu’il vous a adressé le 17 mai et dont Le Monde, qui se l’est opportunément procuré, a publié un extrait choisi dans son édition du jeudi 23 septembre (p.11), M. Michel Roussin vous fait part de sa décision de démissionner « du Conseil d’Etat où il avait été nommé ‘en service extraordinaire’ le 14 janvier par le président de la République. » dans le souci, souligne-t-il, de « préserver l’institution ».

M. Michel Roussin a donc su prendre une sage décision qui est tout à son honneur. Il a eu, en l’occasion, le courage et l’honnêteté intellectuelle de démissionner, ce dont le justiciable contribuable se réjouit. On regrettera alors que la presse n’ait pas su ou pas voulu lui rendre un hommage mérité.

Mais on déplorera plus encore que M. Patrick Stéfanini, juge du contentieux à part entière, persiste à vouloir faire partie des formations de jugement au-delà de toute raison ou en raison d’une raison que, pour une fois, l’Etat conseille au Conseil, celui dont une des raisons est plutôt de le conseiller ? (avec votre accord ?, avec votre soutien ?, avec votre protection ?). Sa position morale est bien plus inconfortable que celle de M. Michel Roussin puisqu’il a été condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Nanterre à une peine de douze mois de prison avec sursis. Si cette décision de M. Michel Roussin pouvait valoir comme encouragement, montrer le bon chemin à suivre, le justiciable pourrait se rassurer sur la sérénité de la justice et le contribuable sur l’usage des deniers publics.

Que dans une niche écologique l’aigle royal soit blessé tout l’écosystème en pâtit. Ainsi fonctionne la Haute Assemblée. Telle est sa place dans l’Etat, protectrice du droit administratif tout entier. Par sa seule présence au Conseil d’Etat, roitelet importun, M. Patrick Stéfanini reste un pesant fardeau dont la seule présence jette une ombre visible sur la sérénité de toutes les décisions rendues par le Conseil d’Etat. 

Veuillez agréer, Monsieur le Vice-Président, l’expression de ma haute considération.

Gilbert Molinier

 

P.S. : Ce courrier sera transmis en copie à monsieur le secrétaire général du Conseil d’Etat, messieurs les présidents de section, commissaires du gouvernement, monsieur Michel Roussin et monsieur Patrick Stéfanini.

En outre, il sera publié sur Internet et transmis à la presse, notamment M. Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire au Figaro.