CONSEIL
D'ETAT
Section
du Contentieux
1, Place
du Palais Royal
75100
PARIS 01 SP
Tél
:01.40.20.87.50
Fax:
01.40.20.80.08
Paris, le 07/11/2001
M. MOLINIER Gilbert
2, rue Rebeval
75019 Paris
Notre
réf : N° 234271
(à
rappeler dans toutes correspondances)
Monsieur
Gilbert MOLINIER c/ MINISTERE DE
L'EDUCATION
NATIONALE
Affaire
suivie par: M. Bernabeu
COMMUNICATION
POUR PRODUCTION DE LA REPLIQUE
Monsieur,
Vous trouverez ci-joint les observations présentées sur
votre pourvoi dont le numéro est cité en référence.
Si vous souhaitez y répondre, vous devrez m'adresser en 3
exemplaires votre réplique dans un délai de 1 mois à compter de la date de la
présente lettre.
Je vous prie de bien vouloir recevoir, Monsieur,
l'assurance de ma considération distinguée.
Pour le Président,
Le secrétaire de la huitième sous-section
Boris Bernabeu
Paris le 06 novembre 2001
Ministère de
l'Education nationale |
Le ministre de l'éducation
nationale |
|
À |
Direction des affaires
juridiques |
Monsieur le Vice-Président du
Conseil d’Etat |
|
8ème sous-section du
contentieux |
Sous-direction des
affaires juridiques de l’enseignement scolaire |
|
Bureau des
consultations et du contentieux relatifs aux établissements et à la vie
scolaire |
Objet : Affaire n°
234271, M. Gilbert Molinier/Ministère de l'éducation nationale Références :
Votre courrier du 11 octobre 2001. |
|
|
Mémoire molinier.doc |
Vous
m’avez transmis la requête ci-dessus référencée, par laquelle M. Gilbert
Molinier entend obtenir l’annulation de certaines dispositions de la
circulaire n° 2001-053 du 28 mars 2001, valant code de bonne conduite des
interventions des entreprises en milieu scolaire. |
CAJ/A1/SM/n° 25355 |
J'ai
l'honneur de vous faire connaître les observations que cette requête appelle
de ma part. |
Affaire suivie par
Sylvain Mary |
|
Téléphone 01 55 55 31
32 Télécopie 01 55 55 15
88 |
I.
Rappel des faits: |
Mél
sylvain.mary@education.gouv.fr |
La
circulaire ministérielle n° 2001-053 du 23 mars 2001 relative au code de
bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire a été
adressée aux recteurs et inspecteurs d’académie et aux directeurs des services
départementaux de l'éducation nationale. Elle a pour but de rappeler aux
destinataires le principe de neutralité du service public de l’éducation
nationale, fixé par l'article L. 511-2 du code de l'éducation. |
110 rue de Grenelle 75357 Paris 07 SP |
Le
requérant a saisi votre juridiction d'un recours tendant à l'annulation de
cette circulaire du 23 mars 2001 au motif, d'une part, qu'elle créerait de
nouvelles dispositions réglementaires et, d'autre part, qu’elle méconnaîtrait
les principes de neutralité et de laïcité. |
II.
Discussion :
1) Sur la recevabilité
de la requête :
- Sur le
titre donné à la circulaire :
Le
requérant affirme dans sa saisine du 29 mai 2001 que “ le seul terme de code
indique que Monsieur le ministre de l'éducation nationale ne considère pas
cette circulaire comme interprétative d'une loi, mais comme un règlement
proposé à tous les agents de son administration ”.
Certes,
le terme “ code ” se définit habituellement comme un ensemble de lois ordonnées
regroupant les matières qui font partie d'une même branche du droit ou encore
comme un corps cohérent de textes englobant selon un plan systématique
l'ensemble des règles relatives à une matière. Mais telle ne me semble pas
devoir être la portée reconnue à un “ Code de bonne conduite ”, qui se
borne à adresser aux services déconcentrés des recommandations sur
l'intervention des entreprises en milieu scolaire.
- Sur la
circulaire elle-même :
La
circulaire contestée s'efforce d’envisager les relations qui peuvent s'établir
entre, d'une part, les services de l'éducation nationale et les établissements
scolaires, et, d’autre part, des entreprises privées, en dehors des contrats de
fournitures et de prestations de services. Elle ne fait que rappeler le
principe de neutralité, sans créer aucune norme nouvelle. Comme telle, elle
m'apparaît insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir
dans la lignée de la jurisprudence Notre Dame du Kreisker. En outre, cette
circulaire, qui a fait l'objet lors de son élaboration d'une large concertation
avec les organisations de parents d'élèves et de personnels de l'éducation
nationale, peut être regardée comme une recommandation adressée à mes services,
qui ne contient par elle-même aucune disposition directement opposable aux
administrés, (CE, 10 juillet 1995, Association “ Un Sysiphe ”
En
conséquence, les conclusions de la requête formulée par M. MOLINIER doivent
être rejetées comme irrecevables.
2) Subsidiairement,
sur la méconnaissance des principes de laïcité et de neutralité du service
public de l'éducation nationale :
a)
Concernant la publicité sur les distributeurs automatiques de boissons :
Le
requérant semble considérer que l'installation d'un distributeur de buissons
méconnaît le principe de neutralité.
La
mention du nom des boissons sur les appareils distributeurs, généralement sous
la forme d'une marque est indispensable pour permettre aux utilisateurs de
pouvoir choisir leur boisson. La mention de la marque doit donc être distinguée
de la notion de publicité sur l'appareil, ce que fait la circulaire, et cette
mention ne saurait porter atteinte au principe de neutralité comme l'invoque le
requérant.
La circulaire se contente
de rappeler le principe de neutralité et indique que “ l'installation ne doit pas
être accompagnée de publicités agressives à destination des usagers du service
public. Certes, la marque des produits proposés par le distributeur peut être
visible. Mais l’appareil de
distribution ne doit pas être en lui-même un support publicitaire ”.
Il est
admis que les services publics peuvent gérer des activités complémentaires à
leur mission statutaire, dès lors que celles-ci contribuent directement à
améliorer son exercice, dans l'intérêt des usagers (CE, n° 14064 et 14066, 10
mai 1996, SARL La Roustane et autres et Université de Provence).
Ainsi,
l'installation de distributeurs automatiques dans des établissements publics
locaux d'enseignement peut être regardée comme étant susceptible de favoriser
l'exercice de la mission éducative, en contribuant à faire des établissements
scolaires des lieux accueillants, voire en incitant les élèves à rester dans
l'établissement durant les périodes d'interclasses.
b)
Concernant l'utilisation de documents pédagogiques élaborés par une entreprise
dans le cadre d'une action de partenariat :
Le
requérant conteste la possibilité pour une entreprise qui élabore des documents
pédagogiques de signaler son intervention.
L'utilisation
de documents pédagogiques élaborés par une société est limitée aux opérations
de partenariat mises en oeuvre par les établissements publics locaux
d'enseignement et les écoles avec les entreprises afin de permettre une
ouverture de l’enseignement sur le monde du travail conformément à l'article L.
421-7 du code de l'éducation, qui permet, outre l'organisation de contacts
entre les établissements et leur environnement économique, culturel et social,
de mettre en place un véritable partenariat. Dans le cadre de ce partenariat,
les enseignants sont chargés de veiller à l'interdiction de démarches
publicitaires à destination des élèves. L'application du principe de neutralité
est laissée à l'appréciation des enseignants dans ce cas, et l'utilisation de
la formule “ l'entreprise peut être autorisée à signaler son intervention
” leur laisse une marge de manœuvre en vue de la défense de ce principe.
Au
surplus, le signalement auquel fait référence la circulaire consiste en
l'apposition du nom de la société sur un document pédagogique, sous la forme
d'une marque, comme c'est le cas par exemple pour les manuels scolaires qui
portent le nom de leur éditeur.
Par
contre, un quelconque message publicitaire ayant pour but de faire acheter un
produit au travers d'un document pédagogique peut être regardé comme portant
atteinte au principe de neutralité et ne saurait dès lors être admis, ainsi que
le rappelle d'ailleurs la circulaire attaquée.
c)
Concernant le partenariat pour l'usage de produits multimédias :
Le
requérant considère que la consultation de sites internet privés ou
l'utilisation de cédéroms qui comportent des messages publicitaires porte
atteinte au principe de neutralité.
De
nombreux enseignements ont déjà intégré les technologies de l'information et de
la communication.
A cet
effet, les produits multimédias et le réseau internet sont consultés dans les
établissements. Mais nombre de ces supports ne sont pas conçus par ou pour
l'éducation nationale et comportent des publicités. Il faut donc considérer ces
sites et logiciels comme des instruments de travail scolaire, comme peuvent
l'être un journal ou un livre (qui peuvent également comporter des publicités)
et dont la consultation en classe ne contrevient pas au principe de neutralité
commerciale.
La circulaire ajoute que
lorsque les services de l'éducation nationale et les établissements scolaires
réalisent eux-mêmes des sites internet, ces sites ne doivent comporter aucune
publicité sous forme de bandeau publicitaire et ne contenir au maximum que la
mention de la participation d'une entreprise ayant collaboré à l'élaboration du
site dans le cadre d'un partenariat.
Les
mêmes remarques peuvent être faites s’agissant des produits multimédias hors
ligne.
Enfin,
le requérant n'établit pas que la circulaire du 28 mars 2001 méconnaît le
principe de laïcité.
Par ces
motifs, je conclus à ce qu'il plaise à la Haute Assemblée
- à
titre principal, déclarer la requête irrecevable,
-
subsidiairement, rejeter la requête comme n'étant pas fondée.
Pour le ministre et par délégation
Le directeur des affaires juridiques
Jacques-Henri STAHL