Gilbert Molinier
Professeur de philosophie
Adresse administrative
Lycée Auguste Blanqui B.P. 196
54, rue Charles Schmidt
93 Saint-Ouen Cedex
Adresse personnelle
2, rue Rebeval 75 019 Paris
Tél. : 01 44 52 04 93
e-mail : moliniergilbert@noos.fr
N° réf : 234271
Lettre recommandée avec accusé de réception
N° : 6687 7377 8FR
Paris, le 08 février 2002
A Monsieur le Président de la
Section du contentieux du Conseil d’Etat
1, Place du Palais Royal
75001 Paris 01 SP
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir m’informer de l’état de l’instruction concernant le recours en annulation que j’ai présenté devant votre Haute Cour, le 28 mai 2001.
D’autre part, complémentairement à la réponse que j’ai faite au mémoire en défense Monsieur le Ministre de l’Education nationale présenté par Monsieur le Directeur des affaires juridiques, Monsieur Jacque-Henri, Stahl, j’ajoute :
I Monsieur le Directeur des Affaires juridiques du Ministère de l’Education nationale, Monsieur Jacques-Henri Stahl, écrivait dans son mémoire en réponse du 06 novembre 2001, que « l’installation de distributeurs automatiques dans des établissements publics locaux d’enseignement peut être regardé comme étant susceptible de favoriser l’exercice de la mission éducative en contribuant à faire des établissements scolaires des lieux accueillants » (II, 2, a).
Je faisais alors remarquer que le corps médical « recommande de boire de l’eau plutôt que des boissons sucrées. »
C’est bien cette seconde position que semble partager Monsieur le Ministre délégué à l’Enseignement professionnel, Monsieur Jean-Luc Mélanchon, dans une interview qu’il vient d’accorder au journal Le Figaro (ANNEXE I), où il déclare : «Elles [Les grandes marques] exercent une pression énorme (C’est moi qui souligne, G.M.). Les jeunes représentent un véritable enjeu financier. Ils ont un pouvoir d’achat et influencent fortement les achats des parents. Les USA sont allés au bout de cette démarche. Certaines écoles ont des contrats d’exclusivité publicitaire avec les marques. Par exemple de boissons (C’est moi qui souligne, G.M.). Les élèves sont forcés de ne boire que des sodas de cette marque dans l’établissement. »
Si les faits exposés par Monsieur le Ministre délégué ont quelque pertinence, et ils en ont, alors nous sommes en droit de nous demander en quel sens Monsieur le Directeur des affaires juridiques du Ministère de l’éducation nationale pourrait soutenir sans contradiction que les lieux où s’exercent « d’énormes pressions » comme ceux où des jeunes élèves « sont forcés… » pourraient être « des lieux accueillants ».
D’autant que chacun connaît les problèmes de santé (obésité, hyperglycémie, surcharge pondérale…) qui affectent tant de jeunes américains pour être gavés, pour leur malheur, dès leur plus jeune âge, par des boissons volontairement fabriquées pour être saturées en sucre et créer des dépendances souvent irréversibles.
Certes, le champ de compétence de Monsieur le Ministre délégué s’arrête aux établissements d’enseignement professionnels, mais qui pourrait soutenir que ce qui est bon pour les élèves de l’enseignement professionnel ne le serait pas pour les élèves de l’enseignement général ?
Monsieur le Ministre délégué à l’enseignement professionnel ajoute tout a fait justement : « C’est ainsi que personne ne s’étonne aujourd’hui que les écoles se voient proposées d’enseigner l’hygiène dentaire avec Colgate et les bases de la nutrition avec Nestlé. »
Ainsi, la boucle se boucle : d’un côté, le Ministère de l’Education nationale introduit les boissons sucrées dans les établissements scolaires, de l’autre, constatant les dégâts dentaires produits dont s’alarment chaque année les congrès de stomatologie, il convie les marchands de pâte dentifrice à réparer les bouches des jeunes élèves.
Qui a vraiment le souci du bien public ne manquera pas de remarquer que les frais ainsi engagés par les soins dentaires grèvent à la fois les budgets des familles et de la Caisse d’assurance maladie. Les unes et l’autre se trouvent alors accablées de charges supplémentaires créées artificiellement.
Nous pouvons poser la question ainsi : Monsieur le Ministre délégué à l’Enseignement technique ne veut-il pas ainsi laisser entendre que l’installation de distributeurs de boisson dans les établissements scolaires les transforment en « lieux accueillants »… pour les entreprises ?
II Monsieur
le Ministre délégué à l’Enseignement technique ajoute : « J'ai
effectivement été saisi […] sur le jeu boursier organisé par le CIC, dans des
établissements. J'ai écrit aux recteurs pour demander que les enseignants des
lycées professionnels et des BTS ne participent pas à ce concours qui comporte
des erreurs pédagogiques et ne prend aucun recul sur la place particulière de
la Bourse dans l'économie. »
Dans ces conditions, nous sommes en droit de reposer la question : « Comment l’organisation de ce jeu boursier pourrait être « bonne » pour les élèves de l’enseignement général, et « mauvaise » pour ceux de l’enseignement technique ?
Plus encore, comment les recteurs, les chefs
d’établissement ou les professeurs pourront se soumettre à une injonction
ministérielle contredite par le Code de bonne conduite des interventions des
entreprises en milieu scolaire dont le
même Ministre affirme être à l’origine : « Cette pression des marques était déjà
suffisante quand je suis arrivé au ministère pour que j'engage avec Jack Lang,
la rédaction d'une charte déontologique. Si on ne met pas le holà dès le
début, on dévale vite la pente. »
La crainte
que je formulais dans ma réponse au mémoire en défense de Monsieur le Ministre,
savoir que la circulaire n° 2001-53 du 05 avril 2001 ne faisait que « réglementer
le désordre » trouve ici encore, s’il en était besoin, une parfaite
confirmation.
Qu’adviendra-t-il si les lois, dans leur lettre comme dans leur esprit, deviennent contradictoires ? A qui les fonctionnaires devront-ils se soumettre ? D’où viendra l’autorité de ceux qui ont en charge la bonne exécution des lois ?
J’exagère ? Monsieur le Ministre signe un texte
où il déclare : « J'ai écrit
aux recteurs pour demander que les enseignants des lycées professionnels et des
BTS ne participent pas à ce concours [le jeu concours Les Masters de
l’économie]». Et, à cet égard, il ajoute : « Les jeunes représentent
un véritable enjeu financier (C’est moi qui souligne, G.M.). »
D’un autre côté, répondant à une mise en
demeure de Monsieur le Président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
dans le cadre d’un recours en annulation de l’organisation, à l’époque
illégale, du même jeu boursier au sein d’un établissement scolaire, Monsieur le
Recteur de l’Académie de Créteil écrit : « M. Gilbert Molinier,
professeur de philosophie, conteste la décision par laquelle M. Stassinet,
proviseur du lycée Auguste Blanqui à Saint-Ouen, a autorisé une entreprise
privée [le CIC] à organiser […] une opération présumée publicitaire
(C’est moi qui souligne, G.M.) à l’intention des élèves du lycée. »
(ANNEXE II).
Et, comme si
trop n’était jamais trop, nous nous retrouvons confrontés à de telles
situations extravagantes : couvert par l’autorité hiérarchique (le Rectorat,
voire le Ministère), Monsieur le Proviseur du lycée Auguste Blanqui organise un
jeu publicitaire au sein de l’établissement dont il est fonctionnaire d’autorité,
alors que ce jeu est manifestement illégal ; et, de son côté, le Ministre
délégué à l’enseignement technique interdit le même jeu boursier au moment où,
grâce à ses soins, son organisation est devenue plus ou moins légale !
Mis en demeure par le même Tribunal, Monsieur le Proviseur du lycée Auguste Blanqui n’a pas présenté de mémoire en défense, mais il a engagé une action pénale contre moi, soutenu par les autorités rectorales, consistant en une plainte en diffamation avec constitution de partie civile (Le Tribunal de grande instance de Bobigny a rendu son jugement le 30 janvier 2002 : les plaignants sont déboutés et Gilbert Molinier est relaxé).
A changer simplement roi en loi , je me permettrai de citer ces vers de l’Iliade repris comme incipit du Discours de la servitude volontaire :
« D’avoir plusieurs seigneurs aucun bien je
n’y voi :
« Qu’un, sans plus, soit le maître et qu’un seul soit le roi. »
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.
Gilbert Molinier
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Jean-Luc Mélenchon : "Halte à la pression des marques à l'école ! "
Entretien de Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'Enseignement professionnel, accordé au quotidien Le Figaro paru le 1er février 2002.
Les entreprises et leurs marques frappent aux portes de
l'école. Une dérive dénoncée par Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à
l'Enseignement professionnel.
LE FIGARO. - Les grandes marques cherchent-elles à
mettre la main sur l'école ?
Jean-Luc Mélenchon.
- Elles exercent une pression énorme. Les jeunes représentent un véritable
enjeu financier. Ils ont un pouvoir d'achat et influencent fortement les achats
des parents. Les USA sont allés au bout de cette démarche. Certaines écoles ont
des contrats d'exclusivité publicitaire avec des marques. Par exemple de
boissons. Les élèves sont forcés de ne boire que des sodas de cette marque dans
l'établissement.
On n'en est pas là en France !
Cette pression des
marques était déjà suffisante quand je suis arrivé au ministère pour que
j'engage avec Jack Lang, la rédaction d'une charte déontologique. Si on ne met
pas le holà dès le début, on dévale vite la pente. C'est ainsi que personne ne
s'étonne aujourd'hui que les écoles se voient proposées d'enseigner l'hygiène
dentaire avec Colgate et les bases de la nutrition avec Nestlé. Soit dit en
passant, on peut s'étonner que l'immense urne destinée à la collecte des pièces
jaunes à l'entrée de l'Elysée soit barrée d'une énorme publicité de boisson
gazeuse !
Les établissements dont vous avez la charge sont-ils
concernés ?
J'ai effectivement
été saisi par le comité Attac sur le jeu boursier organisé par le CIC, dans des
établissements. J'ai écrit aux recteurs pour demander que les enseignants des
lycées professionnels et des BTS ne participent pas à ce concours qui comporte
des erreurs pédagogiques et ne prend aucun recul sur la place particulière de
la Bourse dans l'économie. C'est pourquoi je n'étais pas d'accord non plus avec
le jeu de TF1. Car la présence des marques à l'école est un conditionnement
mental. Exemple, les vêtements. Les enfants vivent dans la frustration : il
leur faut absolument être dans le coup § C'ets même une source de violence.
Pourtant, vous-même faites intervenir des entreprises
dans les lycées professionnels ?
La situation est
tout autre. Quand nous avons mis au point un matériel pédagogique sur l'euro
avec la fédération du commerce, à aucun moment le nom d'une marque
apparaissait.
Et lorsqu'une entreprise automobile fournit du
matériel destinés à des lycéens, futurs conducteurs ?
Il ne faut pas
confondre marque et production La production est souvent standard entre les
entreprises. Il faut impérativement que les lycéens apprennent sur du matériel
qui est sur le marché. C'est un autre sujet que la compétition sur les marques.
Propos recueillis par Marielle Court.
Un
code de bonne conduite pour les partenariats en milieu scolaire
(extrait du 4ème bilan : 78 actions pour la voie des
métiers)
Circulaire n°2001-053 du 28 mars 2001 - Bulletin
Officiel N° 14 du 5 avril 2000
(c) Ministère de l'éducation
nationale - Enseignement professionnel