DECALAGES HORAIRES

A propos d’un communiqué d’Attac du 6 octobre 2005

 

Le communiqué d’Attac a pour essentielle qualité d’être de part en part en décalage horaire. Je rappelle, par exemple, l’accueil amical et le soutien exceptionnel que je reçus de Bernard Cassen[1] en personne, alors président d’Attac, lorsque voilà trois ans, poursuivi en plus devant la justice pénale, je le rencontrai dans son bureau du Monde diplomatique :

« Vous êtes Gilbert Molinier ? C'est vous Gilbert Molinier ? Vous savez que vous êtes connu, que vous êtes très connu... comme on dit dans les commissariats de police. Je dois vous dire que je ne suis absolument pas d'accord avec vous, avec votre action. Non ! On ne s'attaque pas à un lampiste [le proviseur du lycée Auguste Blanqui] comme vous le faites. »

Entre temps, sans attendre le réveil d’Attac, je déposai un recours auprès du Conseil d’Etat demandant l’annulation du Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire, (circulaire d’un autre lampiste ministériel ?). Il fallut attendre plus de six mois avant qu’Attac soutienne cette requête ( rejetée dans des conditions singulières d’équité - voir site molinier.org).

Attac est informé du jugement du TA sur les Masters depuis fin août. Il a fallu attende début octobre qu’un journaliste de L’Express publie un article pour obliger Attac à prendre une position embarrassée sur ce jugement. Passons rapidement sur le fait qu’Attac s’attribue la paternité de la victoire d’un homme seul comme l’écrivait Eric Conan. Notons, en passant, que L’Express, hebdomadaire classé à droite par la gauche, fut le premier média (avant les revues syndicales d’enseignants de gôche, avant les gazettes des fédérations de parents de droite et de gauche…, à informer leurs lecteurs, leurs adhérents et militants et avant le ministère de l’éducation nationale à informer ses… recteurs.

Ce qu'on trouve sur le site d'Attac dont le lien est donné en fin de communiqué, c'est le fichier du jugement du tribunal que j’ai mis en lien sur le site molinier.org. Attac a fait un simple copié-collé sans citation de source (bravo pour l'honnêteté intellectuelle).

Relevons enfin le lapsus final du communiqué triomphant d’Attac daté du 6 octobre 200?! Longue gestation d’un avorton, toujours à l’avant-garde ! En attendant l’année prochaine, la décision du CIC de retirer Les Masters de l’économie du grand marché des lycées et collèges a été prise après le 1er juillet (sans doute bien avant !), et non grâce aux actions d’Attac. Il est donc parfaitement inutile d’essayer de continuer à interdire ce jeu qui n’existe plus, parfaitement inutile d’engager les militants sincères et courageux d’Attac dans de nouvelles actions en impasse.

 Cela dit, les lenteurs habituelles des instructions des tribunaux administratifs ont largement donné le temps au groupe bancaire CIC et aux quelques hauts fonctionnaires du MEN spécialisés dans des accords de partenariat juridiquement peu clairs avec les entreprises d’organiser un autre jeu. Tout a été bien préparé, absolument tout, et sans doute de longue date. Sans attendre l ‘année 2005, j’ai déjà déposé un recours en annulation contre ce nouveau jeu auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise : le 23 mai 2003 (requête n° 0306411-2).

Gilbert Molinier 

Les Masters de l’économie condamnés par la justice
Communiqué du Bureau d’Attac



Depuis plusieurs années, Attac mène le combat contre la marchandisation de l’éducation, et notamment contre l’intrusion des intérêts commerciaux, des marques et de la publicité à l’école. Dans ce registre, le cas le plus emblématique est le scandaleux jeu concours Les Masters de l’économie, du groupe bancaire CIC, qui organise l’apprentissage de la spéculation boursière au sein des établissements. Multipliant lettres, pétitions, manifestations et délégations,  Attac en avait demandé l’interdiction au ministres successifs de l’éducation nationale : Claude Allègre, Jack Lang, Luc Ferry, François Fillon. Aucun d’entre eux n’avait osé déplaire cette puissante banque privée. Seul Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l’enseignement professionnel, avait interdit le jeu concours du CIC dans les établissements, relativement peu nombreux, relevant de son autorité.  En s’appuyant sur une décision de la 4me Chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise,  en date du 1er juillet 2004, Attac  va mener campagne pour bouter définitivement les Masters hors des établissements publics. Faisant droit une requête de Gilbert Molinier, professeur de philosophie au lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le tribunal a en effet déclaré illégal le jeu du CIC dans cet établissement. Les attendus de sa décision sont particulièrement sévères : Ce jeu avait clairement des objectifs publicitaires et commerciaux pour la banque organisatrice et tombait sous le coup de la prohibition des initiatives de nature publicitaire, commerciale, politique ou confessionnelle figurant au règlement intérieur de l’établissement ; il contrevenait également au principe de neutralité de l’école rappelé par de nombreuses circulaires et notes de service émanant du ministre de l’éducation nationale. La justice inflige ainsi un cinglant camouflet à des ministres qui, en pleine connaissance de cause et par complaisance envers les entreprises privées, ont refusé de faire appliquer les textes de leur propre administration. La décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est appelée faire jurisprudence. Attac va se mobiliser pour qu’elle soit appliquée dans tous les établissements où sévit ce jeu, ainsi que d’autres opérations du même acabit. Dans une lettre au ministre François Fillon et à tous les recteurs, Attac leur demande de faire mettre un terme immédiat aux Masters. Parallèlement, les militants et sympathisants d’Attac, qu’ils soient enseignants, parents d’élèves, élèves ou représentants de collectivités, doivent, établissement par établissement, informer la communauté éducative du jugement du tribunal de Cergy-Pontoise. En se fondant sur lui, ils doivent
ensuite   exiger une délibération du conseil d’administration afin d’interdire toute intrusion des intérêts marchands, qu’il s'agisse des Masters ou de toute autre forme de prosélytisme commercial des marques, camouflés en outil pédagogique. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rappelle en effet que c’est le conseil d’administration qui, aux termes de l’article L. 421-4 du Code de l’éducation, règle, par ses délibérations, les affaires de l’établissement.  Par ailleurs, Attac va renforcer son combat pour l’abrogation du Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire qui a fait l'objet de la circulaire 2001-053 du 5 avril 2001 de Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale. Ce Code, sous couvert de partenariats avec les entreprises prives, légitime la pénétration de l’école par les marques et les intérêts commerciaux, et il a servi de prétexte à la poursuite de l’opération Masters . A son modeste niveau, il n’est que l'un des symptômes de la subordination de l’éducation aux impératifs économiques et marchands. Cette subordination est un objectif central du projet néolibéral l’échelle plantaire, et en particulier au niveau européen. Ce projet s’élabore l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ; la Banque mondiale ; au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; dans les documents de la Commission européenne et dans les conclusions de certains Sommets européen, notamment celui de Lisbonne de mars 2000, repris dans le contenu du trait constitutionnel européen. Leur objectif est de façonner et d’encadrer les politiques nationales en présentant comme naturelle et même
désirable - prétendument au nom de l’emploi – l’adaptation des systèmes éducatifs aux lois du march.  De l’AGCS au trait constitutionnel européen, en passant par la marchandisation de l’école, le projet néolibéral affiche sa cohérence. Attac le combat donc sur tous les fronts.

Attac, Paris, 6 octobre 2005.  (Le texte du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est disponible sur le site d’Attac : http://www.france.attac.org/a3594)

 



[1] Le soutien que je reçus du SNES et de la FSU fut tout aussi chaleureux. Je garde cette chose de côté pour un autre jour.