Gilbert Molinier

Professeur de philosophie

 

Adresse administrative :

Lycée Auguste Blanqui

B.P. 196 54, rue Charles Schmidt

93 404 Saint-Ouen Cedex

 

Adresse personnelle :

2, rue Rebeval 75 019 Paris

Tél. : 01 44 52 04 93

 

Dossier N° : 0300992-4

 

Lettre recommandée avec

accusé de réception n° :

2890 9970 7FR

 

 

Paris, le 08 septembre 2003

 

A Monsieur le Président du Tribunal Administratif

de Cergy-Pontoise

2-4, boulevard de l’Hautil

B.P. 322

95 027 Cergy-Pontoise Cedex

 

 

 

COMPLEMENT DE REPONSE AU MEMOIRE EN DEFENSE DE MONSIEUR LE RECTEUR DE L’ACADEMIE DE CRETEIL PRESENTE LE 18 JUIN 2003.

 

 

 

 

Monsieur le Président,

 

Dans le mémoire en défense qu’il a a présenté le 18 juin 2003,

 

I Monsieur le recteur de l’Académie de Créteil écrit (p.3, par. 5) : « De plus, monsieur Molinier, qui était professeur de philosophie n’était pas directement concerné par l’organisation d’un tel jeu, et pouvait, par l’intermédiaire de ses représentants au conseil d’administration, demander qu’un débat soit organisé sur ce sujet. ».

 

I 1/

Je rappelle que j’étais alors élu du personnel, c’est-à-dire, membre du conseil d’administration. Ne serait-ce qu’à ce titre, je devais être informé par Monsieur le proviseur avant le déroulement du jeu (Code de l’éducation, Section 1, articles L 421-3, L 421-4, L 421-5 et Décret n° 85-924 du 30 août 1985, Titre premier Section I, articles 2-6, article 8-f ; 8-g ; 8-h). Ayant agi en infraction aux articles précités, Monsieur le proviseur a manifestement commis un excès de pouvoir.

 

I 2 /

Monsieur le recteur dit que c’est en tant que professeur de philosophie que je ne suis pas directement concerné… ? S’il veut dire que c’est en considération de la discipline que j’enseigne –la philosophie- il commet une erreur manifeste d’appréciation du programme de cette discipline, qui inclut l’étude de la notion d’échanges (aussi bien l’argent comme moyen d’échange…). En outre, il méconnaît les exigences de coordination de l’enseignement des diverses disciplines placée sous la responsabilité du proviseur dans l’enseignement du second cycle. S’il veut dire que c’est en ma qualité principale de professeur que je ne serais pas concerné, cet argument ne saurait raisonnablement retenu puisque cette qualité de fonctionnaire enseignant de l’Education nationale est commune à tous les professeurs de l’établissement, dont ceux désignés illégalement comme professeurs-parrains par une entreprise bancaire étrangère au service public.

 

La circulaire ministérielle n° 97-123 du 23 mai 1997, relative à la Mission du professeur adressée au recteurs d’académies indique que « La mission des professeurs est tout à la fois d’instruire les jeunes qui lui sont confiés, de contribuer à leur éducation et de les préparer au plein exercice de la citoyenneté (C’est moi qui souligne, G.M.). », et non de les livrer aux banques.

 

I 3 /

Dans un article consacré à la crise de l’esprit du service public (Droit social, 1989, p. 777), Alain Supiot (Professeur à l’Université de Nantes, UMR-CNRS, membre de l’Institut universitaire de France) fait valoir une différence essentielle entre salariés et fonctionnaires du point de vue de la relation hiérarchique. Il écrit : « La relation au supérieur hiérarchique se trouve elle aussi dominée par l’idée de morale professionnelle. Le dirigeant se trouve, aussi bien que le dirigé, placé au service du public, si bien que la relation de pouvoir entre l’un et l’autre est transcendée par des valeurs communes qui s’imposent à l’un comme à l’autre. Autrement dit, l’agent n’est pas assujetti à un homme déterminé mais à une organisation et aux valeurs qu’elle incarne. L’idée de rapport individuel occupe ici une place beaucoup plus faible que dans le contrat de travail, tandis que la dimension collective du travail y revêt une signification particulière, celle de la collaboration de tous à un objectif commun. Ce qui domine donc la double relation de pouvoir que l’agent entretient avec l’usager et avec ses supérieurs, c’est l’idée de dignité professionnelle, idée qui exclut la servilité et l’arbitraire. » (C’est moi qui souligne, G.M.).

 

De ce point de vue :

Il apparaît attentatoire à la nécessaire dignité du service public de l’Education nationale que Monsieur le recteur couvre publiquement de son autorité morale une opération publicitaire par essence.

Il apparaît manifestement illégal qu’il mette arbitrairement ses moyens matériel (locaux, service Internet…), en temps, en personnels et en argent public (paiement des professeurs incriminés en heures supplémentaires) au service d’une entreprise bancaire dont l’objectif avoué est de se constituer un fichier-clients.

Il apparaît attentatoire à la dignité professionnelle des professeurs et à la légalité de leur statut qu’ils acceptent de se transformer en VRP d’une entreprise bancaire dont la raison sociale est de faire toujours plus d’argent avec de l’argent, est entièrement opposé au principe de désintéressement du service public et dont toutes les relations de travail sont, pour cette raison, fondées sur le salariat.

 

Votre tribunal voudra bien estimer que ces considérations n’ont pu échapper à Monsieur le recteur qui, même s’il n’a pas lu Monsieur le professeur Supiot, partage avec lui, constitutionnellement, les mêmes valeurs universitaires, et qu’il y a même été implicitement très sensible, ainsi que cela apparaît avec évidence dans le fait qu’il s’est gardé de m’infliger toute sanction, à commencer par l’une des sanctions dite « morales » -avertissement ou blâme- qui n’obligent pas à la réunion d’un conseil de discipline, qu’il pouvait donc infliger par décision personnelle –alors qu’il me reproche explicitement des propos « extrêmement outrageants ».

 

I 4 /

A cet égard, la position de Monsieur le recteur a toujours été très ambiguë. D’un côté, il a été jusqu’à me proposer un poste d’enseignant-chercheur à l’Université (Voir pièces jointes n°I et Ibis). N’est-ce pas une étrange façon de sanctionner un professeur qui aurait tenu des propos extrêmement outrageants à l’égard d’un supérieur hiérarchique ? D’un autre côté, la volonté de Monsieur le Recteur de procéder à ma mutation était si forte qu’il aurait dû prendre des sanctions administratives en utilisant l’argument qu’il allègue, soit l’outrage. Mais, contre toutes les règles administratives, il a essayé, sans que je n’ai jamais rien demandé, de me muter successivement au lycée Gustave Eiffel de Gagny (Voir pièces jointes n°II), au lycée Jean Jaurès de Montreuil (Voir pièce jointe n°III) au lycée Marcelin Berthelot de Pantin (Voir pièce jointe n°IV et IV bis). J’ai dû alors déposer un recours auprès de votre tribunal (Voir pièce jointe n°V et V bis)). Si l’outrage était, du point de vue de Monsieur le recteur, si patent, si avéré, il lui eût été beaucoup plus facile d’en tirer profit. Manifestement, Monsieur le recteur n’y croit pas. Reconnaissant enfin qu’« il n’avait aucun pouvoir pour me déplacer » (Voir pièce jointe n°VI et VI bis ), et pour cause, il a dû confirmer ma nomination ministérielle du 1er septembre 1993 au lycée Auguste Blanqui (Voir pièce jointe n°VII). J’ai consulté mon dossier administratif, celui-ci est vide, sinon qu’il contient des pièces qui n’auraient pas dû s’y trouver (Voir pièce jointe n°VIII). Et, comble de l’affaire, Monsieur le Recteur avait même accepté en disant : « Je suis un homme de parole. » de me rembourser tous les frais de justice que j’avais dû engagés, sans jamais honorer sa promesse (Voir pièces jointes n° I et Ibis).

 

 

II / Monsieur le recteur indique que « monsieur Molinier […] pouvait […] demander qu’un débat soit organisé sur ce sujet. ».

 

II 1 /

Or, étant donné l’absence d’information préalable à l’intention des membres du conseil d’administration et la périodicité des conseils, trop large par rapport à l’organisation du concours, un tel débat ne pouvait avoir lieu au sein du conseil d’administration. En outre, il est considéré comme possible, et non obligatoire : rien ne garantissait donc qu’il serait accepté. C’est précisément pour ces raisons d’empêchement fonctionnel que j’ai préféré l’autre voie légale d’information et de questionnement par courriers en posant des questions précises par écrit aux chefs d’établissement et à tous mes collègues (Voir pièces jointes n°IX et n°IX bis). Leur unique réponse a consisté à me poursuivre en justice avec le soutien de Monsieur le Recteur.

 

II  2 /

Cependant, un tel débat peut et doit encore avoir lieu. Mais il ne peut se dérouler qu’en connaissance de cause, de telle sorte que tous les personnels du lycée Auguste Blanqui disposent de tous les éléments d’information nécessaires afin qu’une réelle discussion ait lieu. Par exemple, et sans m’arrêter ici aux nombreuses questions d’ordre pédagogique, philosophique, politique que j’ai alors proposées à la discussion et auxquelles il n’a jusqu’ici été apporté aucune réponse, dès le 03 avril 2000, je posais la question des coûts en heures supplémentaires enseignants et en liaison Internet de l’opération publicitaire « Masters de l’économie » organisée par un établissement public d’enseignement au bénéfice d’une banque. Le proviseur du lycée étant incapable de me transmettre les documents comptables, j’ai dû déposer un recours auprès de votre juridiction (Voir pièce jointe n° X). J’ai même envoyé un courrier à Monsieur le recteur pour obtenir ces éléments comptables nécessaires à « l’organisation d’un débat » (Voir pièce jointe n°XI), puisque, conformément à la loi (Code de l’éducation, Section 1, articles L 421-5, L 421-6 ; Décret n° 85-924 du 30 août 1985, Titre premier Section I, articles 2i), « le chef d’établissement doit transmettre […] les actes de l’établissement au représentant de l’Etat, à l’autorité académique et à la collectivité de rattachement ». Il appartient donc à Monsieur le Recteur de permettre l’organisation d’un réel débat en rendant public le coût de l’opération.

 

 

Conclusions ministérielles

 

Enfin, Monsieur le Recteur invoque la dignité et le respect. Alors, on regrettera que Monsieur le recteur ait manifestement méconnu les considérations de Monsieur Jack Lang, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche sur le véritable respect qui : « est un sentiment qui doit se former et que nous avons tous à apprendre et à exercer, à l’école et partout ailleurs. Malheureusement certaines valeurs minent ce principe. Que nous présente-t-on trop souvent comme dignes de respect ? La richesse triomphante, l’ignorance cynique et la célébrité sans mérite. Où donc, sinon à l’école, pouvons-nous résister à ce danger ? » (Voir pièce jointe n° XII). Monsieur le recteur aurait alors dû se sentir entièrement autorisé par les propos de son ministre à intervenir au lycée Auguste Blanqui pour protéger dans leur dignité, contre les mirifiques illusions des boursicotiers, des élèves dont près de la moitié sont boursiers (non cotés en bourse), leurs parents, qui sont les victimes d’un véritable outrage.

 

Par ailleurs, je me range à la position de Monsieur Luc Ferry, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche, pour qui en toute occasion « l’intérêt des élèves prime » (Conférence de presse du 1er septembre 2003). Présentant une grande campagne d’information sur le respect à l’école, Monsieur Jack Lang, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche, déclarait : « Il s’agit là du respect de la loi et des règles. La pire violence (C’est moi qui souligne, G.M.) que nous pourrions exercer sur la jeunesse serait de lui faire croire que les lois et les règles sont optionnelles. Nous avons tous des devoirs et des obligations. » (Voir pièce jointe n°XII).

 

Pour convaincre votre Tribunal de l’existence d’une faute personnelle, Monsieur le Recteur devrait d’abord y croire fermement lui-même.

 

C’est pourquoi je persiste dans ma requête. Plaise à votre tribunal d’annuler la décision de Monsieur le Recteur.

 

Gilbert Molinier

Professeur de philosophie

 

 

 

PIECES JOINTES

 

Pièce jointe n°I et Ibis : Lettre de Gilbert Molinier à M. le recteur (21 septembre 2000, LRAR : 1628 6363 5FR). Lettre témoin de M. Maurice Stobnicer, secrétaire syndical.

 

Pièce jointe n°II  : Arrêté rectoral d’abrogation d’une affectation de Gilbert Molinier au lycée de Gagny du 22 octobre 2002.

 

Pièce jointe n°III : Procès verbal d’installation au lycée Jean Jaurès de Montreuil

 

Pièce jointe n°IV et IV bis : Arrêté rectoral d’affectation de Gilbert Molinier au lycée Marcelin Berthelot de Pantin et arrêté d’abrogation rectoral

 

Pièce jointe n°V et V bis : Recours en annulation d’une décision rectorale présenté par Gilbert Molinier devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et enregistrement.

 

Pièce jointe n°VI et VI bis :Courrier de Gilbert Molinier à Monsieur le recteur (LRAR n ° 4181 0101 0FR) du 06 juin 2002. Confirmation de Monsieur Maurice Stobnicer, représentant syndical.

 

Pièce jointe n°VII : Confirmation rectorale de la nomination ministérielle définitive de Gilbert Molinier au lycée Auguste Blanqui.

 

Pièce jointe n°VIII : Lettre de Gilbert Molinier à Monsieur le recteur, (LRAR n° 0820 3795 4FR) du 10 avril 2001.

 

Pièce jointe n°IX et IX bis : Lettres de Gilbert Molinier au proviseur du lycée Auguste Blanqui du 03 et du 24 avril 2000.

 

Pièce jointe n°X : Recours de Gilbert Molinier déposé devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 14 mars 2003 (LRAR n° 6826 5030 7 FR).

 

Pièce jointe n°XI : Courrier de Gilbert Molinier à Monsieur le recteur 27 août 2003, LRAR n° 2890 9955 1FR).

 

Pièce jointe n°XII : Conférence de presse de Monsieur le ministre de l’Education nationale du 09 octobre 2001.