M. Gilbert Molinier
Professeur de philosophie
Adresse administrative :
Lycée Auguste Blanqui
54, rue Charles Schmidt
B.P. 196
93 404 Saint-Ouen Cedex
Adresse personnelle :
2, rue Rebeval 75019 Paris
Tél.: 01 44 52 04 93
LRAR n° : 4260 2175 0FR
Paris, le 22 octobre 2004
Monsieur le président du
tribunal administratif de Cergy-Pontoise
B.P. : 322
2-4, boulevard de l’Hautil
95027 Cergy-Pontoise Cedex
Monsieur le président,
J’ai bien reçu le mémoire en défense de M. le recteur de l’académie de Créteil. Celui-ci appelle les remarques suivantes.
RAPPEL DES FAITS
Suite au rejet implicite de M. le recteur de l’académie de Créteil d’accéder à ma demande de communication de documents administratifs relatifs à l’autorisation donnée par M.Gérard Stassinet, proviseur du lycée Auguste Blanqui, à un groupe bancaire d’organiser à l’intérieur de l’établissement un jeu de bourse, notamment la communication du document comptable indiquant « le nombre d’heures supplémentaires enseignants effectué à cette occasion », M. le recteur affirme qu’il « n’[est] pas en possession de ces documents. » Il ajoute que la « CADA [avait pris] acte des [s]es observations en déclarant la demande d’avis sans objet compte tenu du fait qu’[il] n’étai[t] pas en possession de ces documents. »
En même temps, il se retranche derrière votre jugement du 1er juillet 2004 (affaire n°0400327), dans lequel vous rappelez que, conformément aux dispositions de la loi du 17 juillet 1978, « l’administration [n’a pas] obligation d’élaborer des documents qui n’existent pas… » (p.3, par.2).
Je rappelle que votre tribunal, par son même jugement, a déclaré illégal l’organisation de ce jeu en rappelant qu’il « tombait sous le coup de la prohibition des initiatives de nature publicitaire, commerciale, politique ou confessionnelle figurant au règlement intérieur de l'établissement ; qu’il contrevenait également au principe de neutralité de l’école rappelé par de nombreuses circulaires et notes de service émanant du ministre de l’éducation nationale ; qu’enfin, son organisation aurait dû être autorisée par le conseil d’administration de l’établissement… » (Jugement du TA de Cergy-Pontoise, 1er juillet 2004, affaire n° 0007594-4).
DISCUSSION
I / J’ai déjà attiré l’attention de votre tribunal sur la conclusion précipitée tirée par la CADA. En effet, contrairement à ce qu’affirme M. le recteur, celle-ci n’a établi aucun fait, elle a extrapolé une déclaration verbale de M. le recteur (Le petit Robert indique à extrapoler : déduire hardiment – édition 1978, p. 742). J’ai déjà indiqué, qu’en l’occurrence, la CADA avait manqué à sa fonction de « renforcer la transparence administrative. »
II / S’l est clair que « l’administration [n’a pas] obligation d’élaborer des documents qui n’existent pas… », c’est seulement dans le cas où les actes administratifs auxquels ces documents sont liés n’existent pas eux-mêmes. Dans le cas où, au contraire, ces actes existent, l’administration a une obligation de reconstitution des documents qui leur sont nécessairement liés, en particulier lorsque l’administration en a la possibilité matérielle dans un délai inférieur à dix ans (CE, 7 novembre 1999, Bordesoules). Or l’existence des heures supplémentaires d’enseignement, qui sont un acte administratif, est parfaitement attestée. Il n’est aucunement nié qu’elles n’auraient pas été payées. Ce paiement constitue lui aussi un acte administratif d’ailleurs décomposable : distraction d’argent public d’un budget général, diffusion de cet argent à ses différents destinataires, réception par eux de cet argent (inscription sur les bulletins de salaire). On sait la particulière vigilance exigée en matière du moindre acte administratif touchant la manipulation de l’argent public, vigilance qui exige qu’à chaque acte soit lié un document pour satisfaire à tout moment, même éloigné dans le temps, au principe constitutionnel selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, Article 15).
III / D’autant, qu’en même temps, puisque qu’il apparaît que M. le proviseur a manqué au devoir de transmission des documents comptables qui lui incombait en sa qualité « d’ordonnateur des recettes et des dépenses de l’établissement » (Décret 85-924, Section 1 et 2, article 7d), M. le recteur devait en exiger la livraison dûment établie. Il aurait dû rappeler à M. Stassinet qu’« un ordonnateur de dépenses publiques, élu ou fonctionnaire, peut être déclaré comptable de fait par une juridiction financière, avec toutes les conséquences pécuniaires que cette qualification pourrait entraîner » (S. Guinchard, doyen honoraire de la faculté de droit de Lyon, recteur de l’académie de la Guadeloupe, Procédure pénale, Paris, Litec, 2002, p. 32, Pièce jointe n°I)
IV / M. le recteur ne pouvait ignorer que M. le proviseur était fortement suspect d’avoir agi dans l’illégalité la plus complète puisque j’avais déposé un recours hiérarchique auprès de lui dès le 09 mai 2000 tendant à l’annulation de la décision de M. le proviseur (LRAR n° 6365 9873 2FR. (Pièce jointe n°II). Il aurait dû s’en inquiéter et conduire une enquête et corriger les illégalités les plus évidentes, dont l’absence de documents administratifs nécessairement liés à des actes administratifs attestés. Au contraire, il a laissé ce courrier sans réponse alors même qu’il savait, comme il l’écrit lui-même, que l’organisation de ce jeu était entaché d’illégalité. En effet, dans un mémoire en défense adressé à votre tribunal le 20 février 2004, il rappelle que : « Depuis plusieurs années, le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche ne s’est pas montré favorable au déroulement de ce concours. [les Masters de l’économie] Aussi me paraît-il souhaitable que les élèves de l'académie ne participent pas à ce jeu-concours. Je vous demande en conséquence d’informer les professeurs concernés de votre établissement de ma position. » (Pièce jointe n°III) M . le recteur souhaite mais n’ordonne pas. Votre tribunal voudra bien considérer que ce flottement officiel, qui tranche avec la rigueur hiérarchique habituelle, est expressif d’une volonté officieuse de rétablissement de rigueur budgétaire que les manquements avérés de M. le proviseur ont compliqué pour ainsi dire à l’infini.
V Ce qui ne l’empêche pas d’ajouter dans un courrier qu’il vous a adressé le 19 janvier 2004, aux derniers mois de l’instruction : « Aussi, ai-je l’honneur de vous informer que je m’associe pleinement aux écritures produites par le chef d’établissement du lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen. » (Pièce jointe n°IV). Ces positions de M. le recteur sembleraient obéir à une logique contradictoire de sa volonté de rétablissement de la légalité administrative et de la rigueur budgétaire. Or on ne peut raisonnablement soutenir qu’il s’associerait aux irrégularités particulièrement graves de M. le proviseur jusqu’à les produire lui-même, ni que, passant au-dessus des lois, il s’associerait aussi aux écritures comptables manquantes de M. le proviseur, alors qu’il s’est dissocié de l’organisation de jeux dont il a suspecté l’illégalité. Il convient donc d’interpréter que si M. le recteur s’associe aux écritures produites par le chef d’établissement, il se dissocie de celles que celui-ci n’a pas produites.
PLAISE A VOTRE TRIBUNAL :.
-annuler le refus de M. le recteur de communiquer les documents administratifs demandés ;
-lui adjoindre sous astreinte la communication de ces documents.
Gilbert Molinier
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’expression de ma haute considération.
Gilbert Molinier
PIECES JOINTES
Pièce jointe n°I : S. Guinchard, doyen honoraire de la faculté de droit de Lyon, recteur de l’académie de la Guadeloupe, Procédure pénale, Paris, Litec, 2002, p. 32.
Pièce jointe n°II : Recours hiérarchique du 09 mai 2000 tendant à l’annulation de la décision de M. le proviseur (LRAR n° 6365 9873 2FR).
Pièce jointe n°III : Note de M. le recteur du 20 février 2004.
Pièce jointe n°IV : Mémoire de M. le recteur de l’académie de Créteil, daté du 15 janvier 2004, reçu au TA le 19 janvier 2004.